vendredi

Le dernier repas du lapin condamné

Mon réveil sonne et je me lève.
Je me dis que 7h20 serait plus judicieux que 7h10 mais je ne change pas pour autant.

En sortant de ma douche, je me retrouve aux Tuileries. C’est étrange : je suis en train de courir parce que je ne sais plus marcher. Autour de moi, les Stocks Options sont en fleur et les parachutes tout dorés : c’est beau comme une FIAC au lever du soleil. Des dames à poussettes et des messieurs avec des pipes font semblant d’être là et moi je décide de les croire.

Je me retourne et je suis devant un distributeur : un SDF me demande de la monnaie et je me dis « “il est con j’ai que des billets ». Je lui souris, mais je ne sais pas si c’est par sincère compassion, par gêne, par protection, par cynisme ou par réflexe. Je décide que c’est par connerie. Ou comme sur un chat, j’ignore juste sa présence parce que je continue de marcher-courir, comme dans un long couloir d’hôtel. J’ouvre la 2e porte à gauche, et j’entre.

Il y fait nuit, et je suis dans la rue Montorgueuil. J’ai des oreilles de lapin, parce que la nuit, l’appétit sexuel me les fait pousser : je rut devant ma bière, en traquant les p’tits culs. De petites bulles roses et bleues me disent quand et où ils ont fait du sexe. À moins que ce ne soit mon iPhone qui me le dise sur ce site : www.ijustmadelove.com.
Parfois, le réel se confond vraiment avec le virtuel.

Alors, je finis ma bière et je me télécharge devant une boîte Boulevard Bonne Nouvelle. Je fais la bise à des gens que je ne connais pas depuis 3 ans de beuverie que l’on passe ensemble, et je caresse leurs oreilles de lapin. Au moins, on sait pourquoi on est là : la petite mort (cette façon ambitieuse d’appeler l’orgasme). On rigole bien quand un des lapins raconte qu’à la place de la clope si cliché, un tiers des moins de 35 ans consultent Facebook ou Twitter après l’amour. Encore ce putain de virtuel qui culbute le réel. Et tout d’un coup ça m’ennuie.

Alors je fais Pomme + Z pour effacer ces 2 dernières heures et me retrouver ailleurs. Pratique.

(…)

Je suis devant un plateau de bouffe orange, et me rends compte que je fais partie de cette étonnante série de photos “les repas de derniers condamnés » : www.jwgreynolds.co.uk. Et je me dis que c’est oppressant : être enfermé dans du fondamental jusqu’à la fin. Vivre, manger, mourir. Sur mon plateau : une photo de famille, des nounours à la guimauve, et des oreilles de lapin.

Et puis mon réveil sonne et je me réveille. Il est 7h20.
Dream Machine (Mark Farina feat Sean Hayes) est en train de m’adoucir l’entrée dans cette nouvelle journée. Je n’aurais pas rêvé mieux. Listen.

jeudi

Simple... comme quoi ?

Dimanche soir. Une vodka pomme glace dans mon verre Monoprix. Sufjan Stevens qui chuchote un John Wayne Gacy Jr et moi qui pense que putain c’est simplement beau.

Simple.

C’est drôle ce mot. On l’oublie presque.

Mon dico dit avant toute chose qu’il s’agit de la caractéristique de quelqu’un qui agit avec une honnêteté naturelle et une droiture spontanée. C’est donc avant tout quelqu’un, et non quelque chose. Peut-être qu’on n’en rencontre plus assez des gens simples pour penser que c’est une chose qui est simple avant d’être une personne.

Arborer une Rolex pour signifier que l’on a réussi sa vie : ça parait pourtant simple, comme raisonnement (M. Séguéla étant aussi un simple publicitaire).

Karl Lagerfield a prôné ces derniers jours le retour du chic humble et simple. C’est bien. Mais est-ce comme le dit la définition « honnête », « naturel » ?

Google images me donne le visuel qui illustre ce post. C’est triste le simple ?

Les simples d’esprit voient les choses simplement. Est-ce donc l’esprit qui coince ? Le mien a coincé en tout cas devant Simple Life, cette émission qui confirme que 2 idiotes n’arrivent tout bonnement pas à vivre « simplement ».

Wiki me dit que « SIMPLE est un protocole informatique signifiant « SIP for Instant Messaging and Presence Leveraging Extensions (simple) ». L’IETE a mis en place un groupe de travail qui se focalise sur l’application du protocole SIP (Session Initiation Protocol, RFC 3261) aux services IMP ( »Instant Messaging ans Presence »). L’IETF s’est engagé à produire un standard interopérable compatible avec les spécifications du RFC 2779 ( »Instant Messaging ») et du CPIM ( »Common Presence and Instant Messaging« ) définis dans le cadre du groupe de travail IMPP ». Je reste dubitatif.

simple.fr parle de « tax planning » (??? un .fr en anglais : tiens c’est… drôle) tandis que simple.com amène sur un site méandreux pour dire que surfer, c’est simple. Je me serais attendu à un site tout blanc, qui ne vendrait même pas de la simplicité, mais qui le serait tout simplement.

Aurait-on vraiment perdu le sens commun du mot ?

Simple, c’est (devenu) compliqué, en fait.

Alors pour revenir à l’origine des choses (celles qui sont à ma portée : l’origine de mon post) : voici Sufjan Stevens qui chuchote un John Wayne Gacy Jr simplement beau.

lundi

La réalité bouleversée.

Un plongeoir. Tout miroite dessous.
Sur les bords de la piscine, des canettes de bière font des abdos siliconés, des poules caquettent avec du rouge à lèvres mais elles oublient de pondre. Un enfant lisse sa moustache en discutant avec un Chanel Vintage. Tout ça forme un nuage de petits points agités comme des pixels en liberté. Ici, il fait déjà nuit, malgré le soleil qui brûle ma peau.

Dans l’eau, des traders se font la guerre des “bien cordialement” en pied de page. J’échappe de justesse à une rafale de licenciements “pour cause économique” et suis happé dans un long couloir de publicité. C’est doux comme une Bonne Maman, et je me sens mieux parce qu’on me dit qu’avec cette voiture faite de la matière des rêves, je vais pouvoir “décrocher la lune”. Mais je panique : je ne sais ABSOLUMENT PAS respirer dans l’espace, et dans la publicité ils ne disent pas comment il faut faire. Personne ne dit jamais comment il faut faire d’ailleurs : c’est suffoquant. Tout peut d’un instant à l’autre redevenir atrocement vrai.

Depuis quelques temps déjà, les choses se sont mises à mentir.
Comme ce plongeoir d’où je ne plongerai pas.

Bienvenue dans la réalité bouleversée : celle qui met des dessus oniriques à des dessous parfois indécents. La réalité bouleversée où je me réfugie est bouleversante, comme ces quelques beaux exemples de doux initiateurs :
• celle d’Audoin Desforges, accrochée sur cette page
• celle d’Erik Johansson,
• celle de Magdalena Bors,
• celle de Terry Border.

Et pour l'accompagner, un morceau from Mars (ou de Transylvanie, c'est à côté)
Crookers - Transilvania (feat. Steed Lord) by tylersnotemo

jeudi

Sexual Healing ou comment la crise creuse l’appétit-libido.

C’est vendredi soir. Je pense à Martine et la remercie pour ce RTT bien mérité. Non pas que j’ai un week end de prévu, mais j’y ai droit. Et oui : je suis français, le pays qui défend les acquis, même les moins… bref.

Mes shakras ouverts aux 4 vents, je vais voir un ami d’ami chanter dans une MJC. Et comme un bon moment ne se termine pas avec une simple bise, là, comme ça au milieu de la rue, on l’accompagne avec une bière de l’au-revoir. En allant donc à L’express Bar (angle rue Saint-Maur & Chemin Vert) je passe devant La Musardine, une librairie.

Je passe, et je m’arrête : mon sac d’hormones que je traîne toujours avec moi (et qui me pose parfois quelques problèmes) s’est ouvert et me tire en arrière. Je regarde les bouquins en vitrine : la Musardine est une librairie érotique.
“La vie sexuelle de Blanche Neige”, “Anthologie de la sodomie”, “Le foutre de guerre” étalent leurs états d’âme, leurs états généraux et tous ceux que je n’oserais susurrer ici. Cadeaux, culture générale, défouloir sexuel, je note l’adresse (122 rue du Chemin Vert – Paris 11) parce que ça peut toujours servir… Mais là, il est 22h : c’est fermé.

Pourtant, tout devrait encourager les heures sup : car la crise est en rut. Nous assistons (à la fois tout puissants et impuissants) à un grand coït économique, partout dans le monde. Les anglais nous confient à 37% que se glisser sous la couette est l’activité number one en ces temps de crise (enquête de l’institut YOUGOV). La fondatrice de Babeland, sex-shop so-chic new-yorkais, constate une augmentation de 7% des ventes de sex toys féminins (pour les plus touchées par la crise, le modèle Gigi est apparemment très efficace), alors que Durex réalise un petit 19 millions de dollars en fin d’année 2008 (+5,5%).

Alors, on lui dit quoi à la crise ? Ben : F U C K.

Et en cadeau, cette petite reprise de Sexual Healing par les HOT CHIP (pour l’ambiance : c’est important l’ambiance).
La Musardine, librairie érotique, 122 rue du Chemin Vert (Paris 11e).

mardi

Souffles.

C’est beau à en couper le souffle. J’aime bien cette expression. Avoir le souffle coupé, c’est une manifestation physique qui rend palpable ce que souvent on a du mal à rendre réel. Avoir le souffle coupé, c’est comme courir à en perdre haleine, et cela veut dire qu’on n’en ressortira pas indemne.

Hier soir, je suis allé voir au cinéma 500 (jours ensemble).

Dedans, un passage tente de transfigurer l’amour par une danse. Moi, va savoir pourquoi, j’ai pensé à une course. De celle qui coupe le souffle.

L’amour : on court après quand on ne l’est pas, et quand on l’est, on court pour ne pas en perdre une miette, pour le partager et le hurler de bonheur, pour ne pas le laisser en pâture à tous ces charognards (le quotidien, les emmerdes qui le ternissent, les ballades adultères Hors-Les-Murs…)

Et puis, mon esprit lui aussi a commencé à courir derrière toutes ces autres courses.
Usain Bolt et ses 9,58 secondes qui vont marquer pour un peu plus longtemps l’histoire. Jusqu’à ce qu’un autre coure plus vite. Après la gloire, l’exploit, le dépassement.
• Les 24 suicides de chez France Telecom. La course au profit VS la course au mieux-vivre.
• La course au boulot, à la performance. Julia Foyce nous apprend d’ailleurs qu’il faut être beau pour réussir. Une petite expérimentation a montré qu’un CV accompagné d’un joli candidat a 30% plus de chance d’aboutir que le même CV au physique plus disgracieux. Dopage ?
• La course de l’Histoire, qui n’arrête pas d’écrire la même (histoire). D’ailleurs, pour conjurer le sort, 39 descendants d’Hitler retrouvés récemment aux États-Unis, auraient décidé “de ne pas avoir d’enfants pour que s’éteigne la saga hitlérienne et ne plus vivre dans la peur” (rue 89).
• La course à l’avenir qu’est le Développement Durable et l’urgence qu’il porte en lui.
• La course contre le Sida, avec le vaccin découvert par les Thaïlandais. Courons !
• La course folle des soirées, des éclats de rires, des pupilles     d  i  l  a  t  é  e  s     de plaisir d’en vouloir plus.
• …

On est tous des Usain Bolt. On court. Après ?
Moi j’ai décidé pour ce post que la course qui coupe le souffle serait l’Amour avec cette incroyable cover de Crazy In Love (signée M. Anthony). Et vous : c’est quoi votre course ?

vendredi

enFiligrane…

Création du nom de la collection et écriture de la biographie d'une amie créatrice de - véritables petits - bijoux : www.tassiacanellis.com.



EN FILIGRANE.

L’histoire aurait pu commencer ainsi :
"Toute petite déjà, quand on lui demandait ce qu’elle voudrait faire, Tassia répondait invariablement “des bijoux”.
Mais tout cela aurait été d’une évidence bien trop triste.
Au lieu de cela, Tassia a pris son temps, sans jamais le perdre.

Chapitre 1 | des livres à colorier les envies
Commencements académiques. Tassia apprend les couleurs, les formes, l’art de les faire jouer ensemble sans chamailleries. Ce sera donc une classe préparatoire d’art graphique (l’Atelier de Sèvres), une école de graphisme (LISAA), plus une furieuse envie de (dé)peindre tout ce qui bouge : un atelier peinture installé dans son salon, des expos impro-organisées dans le Paris où elle aime traîner ses converses et son imagination pour chiner, fouiner, découvrir, se nourrir d’idées.
Plus tard, plus grande, Tassia devient Directrice Artistique en agence de communication (dont 7 ans chez Fullsix), mais ne perd pas des yeux couleurs, matières et créations plus palpables : celles que l’on peut travailler et manipuler.

Chapitre 2 | des perles, toutes nues dans l’atelier
Tassia se hasarde à la conception de bijoux en 2003.
Puis tout s’enchaîne comme sur un fil, ou s’enfile comme sur une chaîne, elle ne sait plus (c’est allé si vite) : son audace, sa lecture de la féminité, son talent et l’enthousiasme qui accueillent ses créations ont fait le reste.
À 28 ans, elle lance sa première ligne de bijoux en 2007.
Alors, elle chine, é t a l e ses trouvailles, assemble, défait, repense, recompose, imagine, inspire et expire à sa façon l’air du temps (le sien, celui de Paris et de son incroyable envie de surprendre).
“Je crée comme j’aime”. Et qu’aimes-tu, Tassia ?

Chapitre 3 | des collections à fleur de peau
Difficile de ceindre Tassia dans un genre. Ses bijoux explorent et se réinventent, mais toujours avec style : sobre et délicat, utlra-féminin sans chi-chi, rétro mais pas trop, charismatique et urbain, le tout décliné en tout ce qui lui passe par la tête. Mais si l’on devait empaqueter ses créations dans des noms doux comme du papier de soie, ce serait sautoirs, bracelets, broches, colliers, entrelacs de fantaisie et de légèreté... Comme les solstices : c’est soudain, rare, et se découvre 2 fois par an lors de ses collections.

jeudi

Quels âges avez-vous ?

[Hibernatus. Botox. Réincarnation. Adjani. Le Concorde. Carl Lewis...] 

J’ai rêvé une nuit que je tuais le temps. J’étais tout-puissant.


C’était pour moi une révélation obsédante : ce temps est une connerie, dont on ressort souvent perdant.
Selon les connaissances scientifiques actuelles, la planète s’est formée il y a environ 4,54 milliards d’années.
 Je m’assois, un peu essoufflé, quand j’essaie d’imaginer ce chiffre. 
Si l’histoire du monde était une journée, celle de l’humanité correspondrait à sa dernière seconde. 
Confiné dans cette seconde, pas étonnant que chacun se dispute le bout de gras pour en avoir sa part la plus large.

Une espérance de vie qui a plus que triplé en 200 ans (25 ans en 1700 contre à 82 ans en 2005), et nous qui nous y débattons comme des insectes sur un réverbère.

La chirurgie esthétique comptant plus de 350 000 opérations par an en France.
Ces moments nostalgiques où l’on se dit que “c’était vraiment mieux avant”.

Les Eurostar qui (on les adore) gagnent 15 minutes sur leurs trajets.
Ces Monoprix qui ferment à 22h, histoire de grignoter toujours plus sur ce temps inutile : dormir.


J’ai rêvé (encore, une autre nuit) que l’on pouvait dormir comme l’on dînerait entre amis ou irait au cinéma : un plaisir et non un besoin. Les français sont les plus gros dormeurs avec 530 minutes moyennes sous la couette, soit 8,8 heures. Tout ce temps regagné, ça laisse rêveur.
Et on est aussi parfois ces autres victimes collatérales : ceux qui en ont trop, qui le manient avec maladresse, qui le regardent s’écouler, dans leur sofa toute la journée, devant notre PSP ou Wii, au bas des tours ou encore à attendre que l’ange qui passe passe vraiment avec un traîneau de renouveau.

En fuyant, le temps embarrasse.

Alors ce temps, je l’aménage : à défaut d’être extensible, il sera agréable.

J’ai passé du temps ce week end à Villette Sonique. Du temps et de l’énergie dépensée utilement avec la découverte de 4 groupes incroyables : Ebony Bones, Duchess says, Mahjongg et Omar Souleyman. Et je remercie la ville de Paris (MERCI PARIS !) de proposer chaque année ce genre d’initiatives, gratuites, d’une incroyable qualité. Là, justement, des gens qui manquent de temps comme ceux qui en ont trop se sont emmêlés dans les beats successivement rock débridé, rock indéfinissable, rock barré et électro arabisante des 4 artistes.

Dimanche après-midi, j’avais 15 ans, avec ma bière, mes amis et mon short. 
Puis quelques heures plus tard, à la terrasse des Banquettes (excellent restau 3 rue de Prague / Métro Ledru Rollin), j’en avais 32 avec ces amis avec qui on a refait le match de notre vie passée. 
Et le lendemain, j’en avais 75 tellement c’était dur de me lever, courbaturé, mais 26 quand je me suis regardé dans le miroir, tellement j’étais ressourcé.

Alors quels âges a-t-on ? Ben plein finalement.


Youpie. Le temps n’a plus autant de prise sur moi.

À l’écoute : EBONY BONES • We know all about you